Les demoiselles du printemps
Voici enfin venu le printemps.
La végétation explose en verts tous plus insolents les uns que les autres. Les fleurs ponctuent le paysage de couleurs gaies. L'air se remplit du chant des oiseaux et les ruches se réveillent. Le décor est planté...
Les stars du printemps peuvent faire leur entrée... Discrètes boules vertes cachées derrière les feuilles, on les surveille régulièrement... Pourvu que le gel ne pointe pas ses aiguillons pour les blesser, voire les ravir...
Doucement, comme des jeunes filles timides, elles se mettent à rougir...
Elles grossissent, pleines de promesses savoureuses. Rondes, brillantes, rouge plus ou moins foncé, elles s'imposent désormais de plus en plus dans cet arbre que l'on visite régulièrement pour prédire l'heure du régal...
Et puis, enfin... Un jour, ça y est... "Les cerises sont mûres".
Armés d'échelles, d'escabeaux, de paniers, les gourmands se dépêchent...
Pour les enfants, petits ou grands, c'est l'aventure du moment...
Pour les plus petits, c'est l'indépendance de la cueillette : c'est facile la cerise, on la prend dans sa menotte, on tire un peu et hop, le tour est joué : on la gobe. Maman veille au grain, pour apprendre à ne pas avaler le noyau ! L'enfant prend alors un air concentré, il fait tourner cette boule dans sa bouche : ça roule sur la langue, on la cale entre les dents et crac... la peau lisse laisse la place au jus sucré, à la chair parfumée... C'est tellement surprenant pour l'enfant, qu'il sourit, laissant le jus s'écouler, se barbouillant au passage copieusement... Il s'applique pour détacher le noyau de la chair afin de le recracher la tête penchée en avant, fier d'avoir géré cette dégustation tout seul.
Pour les plus grands, c'est l'aventure : grimper à l'échelle, s'asseoir sur une branche de l'arbre pour avoir accès aux inaccessibles trésors. Les déguster sur place et se vanter de pouvoir manger les meilleures, celles d'en haut, celles qui sont gorgées de soleil... et puis le plaisir ultime : plonger ses mains dans le panier, faire rouler les fruits sous ses doigts comme un pirate ferait dans sa cassette à trésor.
Les contenants se remplissent des merveilleuses cerises. Il va falloir désormais les préparer : confitures, gâteaux, conserves... Tout est bon pour prolonger le plaisir le plus longtemps possible.
Les confitures permettront d'avoir régulièrement quelques rayons de joyeux printemps à la table du petit-déjeuner.
Les conserves agrémenteront les desserts d'hiver : salades de fruits, laitages, entremets...
Le traditionnel clafoutis se déguste dans la foulée mais la ruse ultime consiste à congeler les précieuses cerises dans des petits sachets afin de préparer des clafoutis toute l'année (mettre les cerises congelées au fond du moule, la pâte à clafoutis directement dessus et faire cuire plus longtemps).
Quand je mange des cerises, je me revois enfant lorsque nous les mangions sous le cerisier de mes grands parents. Je revois mon petit frère équipé d'une grande serviette autour du cou, sa moue de poulbot quand il extrayait le noyau de sa bouche, ses yeux bleus immenses et ses joues barbouillées de rouge...
Quelques années plus tard, sous le même cerisier, je revois ma fille : la bouche en coeur et des duos de cerises pendus à ses oreilles "regarde Maman, j'ai des boucles d'oreilles !". Et puis sous d'autres cerisiers, ma fille et mon fils se régalant tous deux à la belle saison, pestant contre la nuée d'étourneaux qui leur faisait concurrence. Je les revois encore autour de la table de la cuisine, ces deux canailles, venant piocher effrontément dans le plat creux, les cerises fraîchement dénoyautées pour la confiture... Je faisais semblant de gronder et ils s'enfuyaient en courant et en riant...
Le temps des cerises, c'est l'enfance qui revient en chacun d'entre nous...
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